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Le petit monde des bistrots populaires parisiens dans les années 80.

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J’ai tout perdu. Une odeur de centre froide et d’eau stagnante, c’est tout ce qu’il reste de cet appartement. Le petit jour a dévoilé les murs noircis, les fenêtres arrachées et, leurs montants de bois tordus par la violence du feu. Les pompiers étaient venus vite, mais il n’y avait plus rien à faire. Ils avaient préservé les immeubles alentour des flammes qui montaient vers le ciel dans un ballet sauvage sous le regard incrédule des voisins penchés à leurs fenêtres pour assister au spectacle. Je n’ai pas pleuré sur ce que j’ai perdu, sauf… Sauf quatre classeurs contenant les centaines de négatifs de mon travail de photographe. Disparus les visage photographiés, mis en scène, surpris dans un geste ou volés sur un trottoir. Tous les petits fragments d’humanité ramassés sur la pellicule s’étaient amalgamés en un mille-feuille de celluloïd fondu et de cendres humides. L’immeuble serait sans doute démoli. Il ne restait rien. Dans un geste de défi, j’ai acheté un cahier et j’ai écrit sur la première page les noms de deux endroits où j’ai croisé l’humanité tout entière. Puisque j’avais perdu les images, j’allais remplacer les cristaux d’argent oxydés sur la pellicule par des traces d’encre sur du papier en espérant que celui-ci ne brûle pas à son tour, ce qui serait le signe indiscutable que l’humanité ne veut se laisser attraper, ni par un photographe débutant ni par un écrivain de troisième ordre.